mardi 16 juin 2009

Claus von Stauffenberg

La sortie du film Walkyrie de Bryan Singer en janvier 2008 a créé une vive polémique notamment en Allemagne sur le thème de la résistance allemande au nazisme, faisant de ce colonel de la Wermacht un héros. Oublions très vite l absurdité bien américaine de prendre comme acteur vedette Tom Cruise, adepte notoire de la scientologie, secte déclarée interdite en Allemagne, pour nous consacrer sur l essentiel.
Né en 1907 en Souabe Bavière d une illustre famille catholique ayant une forte tradition militaire prussienne, il est de cette nouvelle promotion d officiers de la Reichswehr naissante. Ecole d Infanterie de Dresde, puis école de cavalerie de Hanovre d où il sort major, il fréquente les cercles de la Révolution Conservatrice. La montée du nazisme lui apparait très vite comme une évidence pour la reconstruction de l Allemagne, sans états d âme sur une pensée mystique mélant un nouvel ordre racial et social.
La suite de son parcours est on ne peut plus classique dans une Allemagne ambitieuse où de nombreuses places sont à prendre. Il intégre l académie militaire de Berlin en 1936 pour une formation au sein de l état major général. Puis la guerre éclate. 1939 le voit faire la campagne de Pologne au sein d une division de blindés légers, 1940 la campagne de France au sein de l état major général. Fin 1941 il est muté sur le front de l Est en charge de la réorganisation de la politique menée
dans les territoires occupés à l Est, et notamment de la question des « volontaires » de la Légion de l Est, essentiellement dans le Caucase.
Mi-novembre 1942, pendant la débâcle de Stalingrad, sa division blindée, la Xème, prend part à l occupation de la France libre. Il rejoint ensuite Rommel en Afrique du Nord où il est sérieusement blessé lors d une attaque aérienne. Opéré et sauvé, il intègre alors l état major général.
Arrêtons-nous la un instant.
Comme de très nombreux officiers de la Wehrmacht, Claus Von Stauffenberg sait que ses meurtrissures physiques sont à l image de l Allemagne. 1943 marque le tournant de la guerre. La colossale débâcle de Stalingrad malgré un rétablissement miraculeux, la fin de l initiative tactique et stratégique après Koursk, la perte de l Afrique du Nord, la suprématie aérienne de plus en plus totale des Alliés dans l espace aérien du Reich, l imminence d un débarquement allié en France qu’ annoncent les multiples opérations amphibies alliés en Afrique du Nord, en Sicile, en Italie, tout montre que la guerre est perdue, que le Reich a réédité l erreur de la génération précédente de la guerre sur 2 fronts.
Il faut donc stopper l hémorragie humaine, les pertes étant énormes à l échelle du pays, trouver une solution politique pour ne pas finir dans l anéantissement le plus total.
Et cette solution politique ne passe que par 2 axes indispensables : la liquidation physique d Hitler ainsi qu’une paix séparée à l Ouest afin de continuer la guerre à l Est. Ces 2 conditions ne seront jamais réunies, les différents attentats échouant tous les uns après les autres et les Alliés décidant à la conférence de Casablanca d une capitulation sans conditions à l Ouest.

Depuis une vingtaine d années, à la lecture des archives russes et la déclassification anglaise des conversations des officiers allemands en détention, de nombreux historiens ont créés une théorie de la résistance allemande au sein de la Wehrmacht.
Cette thèse s appuie sur les transcriptions enregistrées à leur insu entre officiers allemands dans leurs lieux de détention et leurs interrogatoires. D une part, l armée de terre se serait très vite désolidarisée des exactions nazies sur le front de l Est, exaspérée par la conduite de la guerre par Hitler et la mise au pas de l Etat Major Général. D autre part, la Wehrmacht aurait été le seul lieu de résistance à Hitler, car seule dotée de la capacité de renversement du régime, et qu’en outre elle est fort peu infiltrée par les services de police de l Etat.
La réalité montre tout au contraire après une étude sérieuse des carrières individuelles des différentes sources d informations que le système de rotation des officiers allemands les amenait à changer très régulièrement d unité, de lieux d opérations. L imbrication des unités régulières, des unités SS dans les opérations ethniques à l Est était telle que jamais la notion de secret n a été imposée par le haut commandement. Les témoignages des officiers capturés à l Ouest est édifiant sur ce point. 1943 est pour eux le point de retournement vis-à-vis du régime, il s agit de sauver l Allemagne. Tous ont servis contre les Soviétiques, aucun ne nie son appartenance aux unités mises à disposition des unités spéciales dans les gigantesques massacres. Mais il s agissait d une guerre politique.
Le recoupement d informations et surtout d interrogatoires de prisonniers est toujours à prendre dans la dimension du temps et du lieu. L état psychologique de 1939 est totalement différent de celui de 1943, nous sommes passés d une approche gagnant et écrasante de la victoire à la perspective sombre de l anéantissement et des comptes à rendre. Les facteurs d erreurs sont multiples, oubli pur et simple de la situation, intérêts divergents des services occidentaux et soviétiques lors des comptes rendus secrets, intérêts évidents d une présentation plus noble des actes de l élite de la classe militaire allemande.
L’ensemble des conjurés de Walkyrie est dans ce profil. Une génération d officiers sans états d âmes, jeunes pour la plupart et très ambitieux, dans un régime exacerbant un très fort clientélisme dans ses moyens militaires. Il n y eut ni héros, ni martyr. Simplement des hommes soucieux avant tout chose de sauver ce qui pouvait l être. Tout le contraire des frères Bielski en Biélorussie.
Je conseille à ceux que le sujet intéresse l excellente Histoire de l Armée Allemande 1939-1945 de Philippe Masson ainsi que la remarquable étude Jean Luc Leleu sur la Waffen-SS.

Aucun commentaire: