jeudi 11 septembre 2008

Quand on joue au bonneteau...


Savez-vous jouer au bonneteau ?
Pour ceux qui ne connaissent pas ce jeu magnifique car si simple, il suffit de regarder les films français des années 50. On y voit sur le quai d'un trottoir, devant les gares, les grands boulevards, les quartiers populaires, un parapluie posé sur le sol et trois cartes retournées sur l'envers. Celui qui les manipule parie contre celui qui paie une mise qu’il ne pourra pas retrouver l'as qu’il lui a montre au début…évidemment, on gagne au début et on perd tout a la fin !!!

Pour les joueurs du grand Loto des Bourses actuelles, la nationalisation de Fannie Mae et Freddie Mac, la plus massive de l'histoire du capitalisme : 5 000 milliards de dollars d'actifs concernés, le Trésor américain s'engageant sur le principe d'une recapitalisation à hauteur de 200 milliards de dollars, va permettre une dose d'adrénaline massive.
13% du PIB des Etats-Unis aujourd'hui….
10% d'emprunteurs défaillants sur leurs prêts immobiliers, dont plus de 30% dans la catégorie subprime (souscrits en 2006/2007)…
Cela signifie que la perte potentielle se monte d'ores et déjà à 500 milliards de dollars…
Mais cela pourrait monter au chiffre vertigineux de 1 000 milliards de dollars pour le trésor américain avec les sinistres prévisibles sur les créances de type "Alt-A", la barre des 20% de taux de défaut (comme en Angleterre au milieu des années 90) pourrait être atteinte d'ici fin 2009.
1 000 milliards de dollars…
Cet essai désespéré de sortie de crise fait immédiatement penser à la crise de la caisse d'épargnes quinze plus tôt. Sauf que… les montants sont cinq fois plus importants qu’à l'époque et que surtout la situation économique et budgétaire n a plus rien à voir.
Pour ceux qui me lisent depuis quelques années déjà, le rapport avec le jeu dit du bonneteau est magnifique ! Nous avons longuement expliqueé que cette crise était la plus grave du système financier depuis la crise de 1929, que cette explosion successive de bulles les unes après les autres se finirait inévitablement très mal ; les dot com., l'immobilier, le dollar, toutes alimentées par une frénésie de crédit a taux négatifs. Mais je ne pensais pas que la honorable Lehman Brothers en fournirait un exemple aussi magnifique. Hier lundi 8 septembre, le cours s'envolait à l'ouverture de Paris de plus de 8 % pour retomber de -17 % a l heure du déjeuner, pour finalement au moment ou je vous écris mardi après midi de s effondrer de plus de 36 % suite au non rachat par des Sud Coréens…
Quelle arnaque…j'y reviendrai.
Qui des actionnaires de Fannie Mae (-88% ce lundi) et Freddie Mac (-85% à la reprise des cotations) ? Il devait bien y avoir quelques « petits porteurs » non ? Quand aux gérants des divers fonds, ils n'ont qu’à retourner à l'école et surtout changer de professeur d'économie.
Car quand même, les souvenirs ne peuvent pas s'arrêter à la semaine dernière…au début des années 70, Fannie Mae et Freddie Mac réalisaient un chiffre d'affaire microscopique. Il n'avait jamais été question qu'ils deviendraient les deux premiers émetteurs privés d'obligations au monde, ni les acheteurs en dernier ressort, sur injonction de la Fed et du Congrès, de 50% des créances immobilières de basse qualité négociées par les banques commerciales ces dernières années.
En quatre séances, le Dow Jones a perdu 7 % entre 11 800 points et 11 040 points en quatre séances. De très grosses institutions de la finance se sont délestées en vendant du papier pendant la semaine passée, puis en rachetant le lundi à la hausse suite à l'annonce du secrétaire du Tresor Henry Paulson concernant le refinancement, pardon la nationalisation rampante des deux mastodontes éreintés. Ce week end, tout était dit : les deux directions était evincées, les golden parachute actionnés, et tout cette belle intelligentsia se retrouvaient dans tous les lieux de culte possibles de new York en priant que ça soit enfin la der des ders…la crise était soldée, le contribuable américain allait payer, l'immobilier allait redémarrer, donc la consommation et par la même l'économie, et tout ceci ne serait qu’un mauvais souvenir…
Il n y a qu’un tout petit problème…

Qui va acheter les obligations du Trésor … ?
Tous les investisseurs s'attendent à une baisse des taux de l'inflation ; voilà pourquoi ils sont prêts à acheter des obligations américaines dont le rendement est bien inférieur aux taux d'inflation actuels. Tant que le dollar tient bon et que les taux d'inflation sont sous contrôle, ils pensent pouvoir continuer à se retirer en bon ordre... jusqu'à ce que les consommateurs américains reprennent du poil de la bête.
Nous pensons au contraire qu’une économie globalisée ne peut fonctionner à terme avec des taux négatifs de moitié. Car dans ce cas, je vous conseille d aller sans tarder emprunter de l'argent sans limite à votre voisin, à votre grand mère, à qui vous voulez et de ne lui donner que la moitié en intérêt du cout réel de la hausse des prix, et peut être de ne jamais rembourser…personne ne vous prêtera car l'Etat donc l'impôt ne paiera pas pour vous.
Une interview est parue dans le Journal des finances, de M. Axel Miller, président du comité de direction de Dexia, qui a déclaré : "compte-tenu de l'environnement actuel extrêmement dégradé, notre bilan est bon. Hors FSA"… forcément hors FSA, puisque le cumul de toutes les pertes et dépréciations se fait dans cette filiale américaine. Le cours de bourse du titre a dévissé de 55% en un an : "sur 90% de nos activités bancaires, le bilan est plus qu'honorable. Seul FSA comporte une part d'incertitude". Sauf que les 10% pourraient mettre en péril tout le reste. Sauf que, plus grave encore, il ne le sait pas lui-même.
A méditer…