samedi 25 octobre 2008

Paradis fiscaux

Dans le grand maelstrom des dernières semaines, la question des paradis fiscaux est revenue avec force dans ce débat très européen, débat que s épargnent allégrement les Anglos Saxons.
Un paradis fiscal se définit généralement par trois raisons.
La première est la qualité des services qu’il offre à ses clients, autant dans son environnement législatif que dans la réelle qualité de ses intermédiaires financiers et juridiques. Du point de vue du secret bancaire, de l'absence de taxes, du principe de la non résidence et de l' absence quasi-totale de réglementation, le plus grand paradis fiscal de la planète est la City de Londres, et ce depuis 1950 et en toute légalité et impunité… et quand cela ne suffit pas, les relais plus exotiques d'anciennes possessions de la couronne britannique mais sous contrôle géographique américain tels les Bermudes, les Bahamas ou les Iles Vierges accueillent sans aucun problème les capitaux transitant par Londres mais ne pouvant y rester. L'essor de l'industrie de la finance de la City ne s'explique pas autrement, et fait passer la Suisse pour une aimable pension de famille ! Quelques chiffres à retenir : si les places de Zurich, Lausanne, Genève et Lugano abritent plus de 70 % du patrimoine prive global, ces places à elles toutes ne représentent que 10 % du poids de Londres…car la City a su attirer les capitaux professionnels des non résidents essentiellement du monde Arabo Persique.
Le cas des îles Anglo-Normandes de Jersey et Guernesey ou de l île de Man est caractéristique du pragmatisme anglais, les seuls comptes à avoir été déclarés par Gordon Brown à l'administration fiscale britannique ont été ceux de sujets du royaume voulant frauder.
La seconde raison est le recours massif de l'économie mondiale et de l'industrie financière aux paradis fiscaux. Toutes les plus grandes sociétés y ont créé des milliers de sociétés écrans, off shore (à distinguer du on shore c'est à dire dans le pays d'activité ou de résidence) afin de sortir des bilans des bénéfices hors impositions, d y verser des bonus, des commissions sans trace fiscale ni comptable. Les Etats font de même pour leurs services secrets, leurs diplomaties parallèles et les ventes d armement. La quasi-totalité des hedge funds y est abritée également dans les mêmes conditions d'opacité fiscale, permettant des performances évidemment sans rapport avec des fonds sous régime d'imposition locale.
Dans le cas de la faillite retentissante d'Enron, entrainant dans sa chute tous ses salariés ainsi que ses propres fonds de retraites et d'assurances maladie, la cause essentielle de la débâcle était la sortie systématique vers Nassau des meilleurs centres de profit de l'entreprise…et aucun politique américain ne s'est insurgé contre ces pratiques.
La troisième raison est le dumping fiscal que les Etats se font entre eux, leur souveraineté étant leur propre et quasi seule valeur marchande. Il en est pour l'Europe de petits pays comme Monaco, Andorre, San Marin, Le Lichtenstein , Gibraltar, tous liés au secret bancaire, mais obligés de mettre en place en place des procédures assez contraignantes de Lutte contre le Blanchiment de l'Argent (LBA) en raison de la lutte contre le terrorisme et son financement, mais aussi et surtout de pays avec une économie plus développée comme l'Irlande, la Hongrie, la Macédoine qui ont basé leur renouveau sur des politiques fiscales très attractives voire nulles.
Encore une fois, lors de l'intégration et de l'Irlande et ensuite des pays dits de l'Est, aucun politique ne s'est élevé contre ce type de pratique. Et ce pour une très bonne raison, les 6 pays dits fondateurs se faisaient la même chose entre eux, les Belges ne taxant pas l'ISF et la transmission du patrimoine et les Hollandais abritant quantité de holdings de tête sans fiscalisation des dividendes.
J'y ajouterai une quatrième raison due à mon expérience professionnelle, la stabilité des environnements législatifs, juridiques et financiers de ces Etats. Contrairement aux idées reçues de bon nombre, les délocalisations privées sont dues essentiellement à un manque total de visibilité à long terme des politiques fiscales, économiques et juridiques des Etats. Elles changent en permanence…!!! Or pour un investisseur, qu’il soit privé ou professionnel, rien n'est pire que la certitude que son environnement changera avec le temps, et pas en sa faveur !
L' exemple typique de fausse bonne idée est le bouclier fiscal qui n'a permis ni d'endiguer le flot continu de délocalisation en Suisse et en Belgique (tiens la Belgique serait donc aussi un paradis fiscal ???) ni évidemment de permettre le retour des capitaux expatriés. Les conditions n étant pas pérennes, aucun investisseur sensé ne prendra un tel risque, les questions de patriotisme à une époque ou avec le même passeport et la même monnaie nous pouvons circuler au sein d'un espace unifié étant d un ridicule infini, au lieu de se concentrer sur les questions essentielles : un coût du travail 20 % moins cher en Allemagne qu’en France, une productivité et une qualité en chute.
Au fond, tout ceci n'est que démagogie politique, une bonne vieille astuce de communication dans cette période troublée, il faut débusquer le bouc émissaire !!!
Le plus étonnant finalement est que l'impact des Etats à paradis fiscaux ou dumping fiscal permet d'adoucir la pression fiscale de leurs voisins sous l'influence de leur concurrence.